quarta-feira, 2 de junho de 2010

Cette fois, c'est la Femme

Cette fois, c'est la Femme que j'ai vue dans la ville, et à qui j'ai parlé et qui me parle.


J'étais dans une chambre sans lumière. On vint me dire qu'elle était chez moi: et je la vis dans mon lit, toute à moi, sans lumière ! Je fus très ému, et beaucoup parce que c'était la maison de famille: aussi une détresse me prit ! j'étais en haillons, moi, et elle, mondaine, qui se donnait; il lui fallait s'en aller ! Une détresse sans nom, je la pris, et la laissai tomber hors du lit, presque nue; et dans ma faiblesse indicible, je tombai sur elle et me traînai avec elle parmi les tapis sans lumière. La lampe de la famille rougissait l'une après l'autre les chambres voisines. Alors la femme disparut. Je versai plus de larmes que Dieu n'en a pu jamais demander.

Je sortis dans la ville sans fin. O Fatigue ! Noyé dans la nuit sourde et dans la fuite du bonheur. C'était comme une nuit d'hiver, avec une neige pour étouffer le monde décidément. Les amis auxquels je criais: où reste-t-elle, répondaient faussement. Je fus devant les vitrages de là où elle va tous les soirs: je courais dans un jardin enseveli. On m'a repoussé. Je pleurais énormément, à tout cela. Enfin je suis descendu dans un lieu plein de poussière, et assis sur des charpentes, j'ai laissé finir toutes les larmes de mon corps avec cette nuit. - Et mon épuisement me revenait pourtant toujours

J'ai compris qu'elle était à sa vie de tous les jours; et que le tour de bonté serait plus long à se reproduire qu'une étoile. Elle n'est pas revenue, et ne reviendra jamais, l'Adorable qui s'était rendue chez moi, - ce que je n'aurais jamais présumé. - Vrai, cette fois, j'ai pleuré plus que tous les enfants du monde.

Rimbaud. Les Déserts de l'amour (fragments).

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